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La Rose de Versailles, quand l’histoire de France rencontre le shōjo manga

La Rose de Versailles, quand l’histoire de France rencontre le shōjo manga

Parler de La Rose de Versailles est un vrai défi. En effet, si ce manga est culte pour les enfants des années 70 et 80 qui l’ont découvert en version anime sous le nom de Lady Oscar, il peut paraitre un peu désuet voir carrément antique aux générations actuelles.

Peut-être que parmi vous, certain.es voient dans La Rose de Versailles une sorte de monument surcoté au design daté mais ne passez pas votre chemin et venez découvrir ce shōjo culte qui a posé le genre au Japon !

En effet, si La Rose de Versailles mérite son titre de grand classique du shōjo manga ( mangas destinés au Japon à un public plutôt féminin ) c’est avant tout parce que c’est une œuvre remarquable tant pour son traitement de l’histoire de France que pour ses intrigues complexes et la force de ses personnages féminins.

Une intrigue complexe et des personnages féminins forts

Synopsis

L’histoire de ce manga se déroule pendant la révolution française et suit la vie d’Oscar François de Jarjayes, une jeune femme élevée comme un homme par son père pour devenir le commandant de la garde royale de France. Chargée de la protection de la jeune reine Marie-Antoinette, elle devra affronter la montée du mécontentement et les bouleversements de la Révolution française.

L’histoire est remplie de drames, de romances et d’intrigues politiques. Le personnage d’Oscar est particulièrement intéressant car elle est forte, courageuse et indépendante, mais elle doit faire face à des défis énormes en raison de son genre. Elle tombe amoureuse d’un des membres de la garde royale, André, mais doit aussi naviguer dans les eaux troubles de la cour royale, où les alliances politiques sont souvent plus importantes que les sentiments.

© Editions Kana

Les dessins de Riyoko Ikeda sont magnifiques et très détaillés, ce qui rend l’histoire encore plus immersive. On peut vraiment ressentir l’atmosphère de la France du 18ème siècle grâce aux dessins et aux dialogues.

Des personnages iconiques

Une autre chose que j’ai aimée dans Versailles no Bara, c’est la façon dont les personnages sont développés. Oscar n’est pas la seule protagoniste forte de l’histoire. D’ailleurs, le nom  » la Rose de Versailles » en Français est dans ce sens un peu trompeur. Le japonais étant plus vague sur le pluriel et le singulier, le nom original pourra en effet être lu : « la Rose de Versailles » ou « les roses de Versailles » en version originale. Si dans le manga, les personnages d’André et de Fersen sont plutôt discrets (voir un peu fade pour Fersen) les vraies héroïnes pour Riyoko Ikeda sont clairement les femmes de la série : Oscar, Marie-Antoinette et Rosalie sont au coeur de l’histoire et vous accompagneront dans votre lecture. Chacune d’elles peut être une des roses du récit et représente un destin féminin de cette période charnière de l’histoire de France. Oscar est une héroïne forte, séduisante mais à la féminité contrariée, tiraillée entre deux mondes car elle est noble et pourtant partisane de la liberté et de l’égalité. Rosalie est une paysanne qui est devenue une dame de la cour et qui se bat pour les droits des femmes, et Marie-Antoinette, la reine de France, qui doit faire face à des problèmes personnels et politiques tout au long de l’histoire donne une image à la fois ingénue et poignante du personnage historique. En effet, Marie-Antoinette y est présentée comme une jeune fille qui subit un mariage arrangé qui va entraver sa liberté et l’amènera à la fin que nous connaissons tous.

Allez plus loin

Grands thèmes et analyse : l’histoire de France vue par Riyoko Ikeda

Bien que la Rose de Versailles ne soit pas un livre d’histoire et reste une romance, il a constitué pour beaucoup de lectrices à travers le monde une porte d’entrée vers l’histoire du 18ème siècle en France. Bien sûr, l’ensemble du récit est romancé et ne cherche pas à décrire une réalité historique crue mais il reste très bien documenté.
En effet, comme souvent au Japon, Riyoko Ikeda est une autrice qui travaille avec une véritable volonté d’ancrer son récit dans la réalité historique. Ainsi, la mangaka s’est beaucoup documentée pour l’écriture de la Rose de Versailles. Et si certains critiques en France ont parfois reproché à Riyoko Ikeda l’écriture d’une Marie Antoinette trop sympathique révélant l’idéalisation de la France par les japonais(voir même plutôt par les japonaises car les femmes sont niaises nous le savons tous ) c’est une lecture qui me semble un peu sortie de son contexte et créée a posteriori.

En réalité, il faut garder à l’esprit qu’une des inspirations principales de la Rose de Versailles est la biographie de Marie Antoinette de Stefan Sweig, auteur moyennement féminin et pas follement asiatique. Parmi les sources utilisées pour l’écriture de la Rose de Versailles on peut aussi citer les « Mémoires justificatifs de la comtesse de Valois de La Motte » publiés en 1789. Ces mémoires ont été écrits après la révolution française et ont donc une perspective rétrospective et très intime sur les événements de cette période vu par une dame de cour.
L’aspect romanesque et le point de vue subjectif sur l’histoire présent dans la Rose de Versailles est donc tout aussi lié aux sources utilisées par Riyoko Ikeda qu’au parti pris de l’autrice dans cette sélection. On pourra noter que la mangaka a aussi utilisé des sources officielles telles que les archives de la cour de Versailles ou les tableaux et gravures d’époque pour créer un univers cohérent et respectueux de la réalité historique.

Les sources de la mangaka

Limiter le travail de la mangaka à l’écriture d’une romance serait donc une erreur. Il ne faut pas perdre de vue qu’au delà de la romance, le manga propose une analyse des thèmes tels que la politique et la guerre. Le sens de l’histoire qui brise les vies des personnages pauvres ou haut placés décrit la tragédie de la guerre à l’échelle humaine. Le personnage d’Oscar notamment nous permet aussi d’aborder des thématiques matures tels que l’inégalité entre les classes et les sexes ou encore le conditionnement lié à son statut de naissance.

Riyoko Ikeda, pionnière du shōjo manga

Ce qu’il faut comprendre pour mieux appréhender ce manga c’est le rôle de précurseur de Riyoko Ikeda dans le milieu de la BD au Japon dans les années 1960/70. En effet, elle est considérée comme une pionnière dans le genre du shōjo manga, genre qui se concentre à l’origine sur les histoires romantiques destinées aux jeunes filles.

Versailles no Bara, la Rose de Versailles est publié pour la première fois en 1972, à une époque où les mangas destinés aux filles étaient souvent limités à des histoires simples et légères sans beaucoup de fond.

Riyoko Ikeda a introduit des thèmes plus matures et complexes dans son œuvre, notamment la guerre, la politique et la sexualité. Elle a également introduit une intrigue historique dans ses histoires, avec Versailles no Bara comme le manga se déroule dans la France du 18ème siècle.

couverture du manga Versailles no bara,ベルサイユのばら, édition japonaise, Margaret comics.

Le succès de Versailles no Bara a ouvert la voie à d’autres mangakas pour explorer des thèmes similaires dans le genre shōjo. Il a également été adapté en anime, en film et en comédie musicale, faisant de Riyoko Ikeda une figure influente dans l’industrie du manga et de la culture populaire japonaise en général.

En fin de compte, l’impact de Riyoko Ikeda sur le shōjo manga est énorme. Elle a élargi la portée du genre en introduisant des thèmes plus matures et en créant des personnages féminins forts et indépendants. Son travail a inspiré une nouvelle génération de mangakas pour explorer des thèmes plus complexes et nuancés, et a laissé une empreinte durable sur l’industrie du manga dans son ensemble.

Parmi les mangakas influencées par manga Versailles no bara on peut noter Moto Hagio ( grande autrice pionnière du shojo manga ) ou encore Naoko Takeuchi ( autrice de sailor moon ) qui le cite parmi leurs inspirations.

Il rencontre aussi un succès mondial. En effet, le manga publié au Japon chez Shueisha’s Margaret Magazine de 1972-1973, a été traduit dans de nombreuses langues on peut citer par exemple : l’arabe, le turque, l’espagnol, l’indonésien, le chinois, le coréen, l’italien, l’anglais, l’allemand et bien sûr le français.

Conclusion

La Rose de Versailles est donc une fresque romanesque et un incontournable du shōjo manga reconnu mondialement comme un classique. Ainsi, si vous avez le désir de cultiver votre culture manga ou encore que vous aimez les récits historiques, plongez dans l’univers de la Rose de Versailles. Vous y trouverez une lecture de l’histoire travaillée autour des regards de personnages féminins forts à travers une romance inoubliable.

Suggestions de lecture

  • Très cher frère de Riyoko Ikeda : Un manga que la mangaka a écrit juste après la Rose de Versailles et qui traite des relations passionnées de jeunes filles d’un lycée privé entre d’amour et recherche de reconnaissance, il aborde aussi avec subtilité les attirances homosexuelles des adolescentes.
  • Le clan des Poe de Moto Hagio : Pour compléter votre découverte des oeuvres qui sont à l’origine du genre shōjo manga tel qu’on le connaît, plongez dans la lecture du Clan des Poe de Moto Hagio. Cette contemporaine de Riyoko Ikeda bien que moins connue en France est une référence du manga. Elle propose une oeuvre atypique dans un univers fantastique et feutré mêlant fantastique et psychologie dans une ambiance victorienne.

Fiche pratique

Editeur
https://www.kana.fr/
Nombre de volumes
Série terminée en 4 volumes ( trois volumes pour l’histoire originale et un volume plus récent)
Prix unitaire recommandé19 euros
Publics suggérésAdos, Jeunes, Adultes
0
Masterpiece
98100
Pros

Edition complète et disponible en France

Thématique inspirante et personnage feminin fort

Les dessins de Riyoko Ikeda très vintage

Cons

Prix du volume un peu élevé 19 €

Le dessin de Riyoko Ikeda très vintage

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